mercredi 5 décembre 2012

Sébastien Girard : Strip-o-gram


Sébastien Girard s'invite dans le salon des houswifes américaines, visiblement pas si desperate que ça, avec son nouveau livre Strip-o-gram, l'occasion de lui poser quelques questions :

Il y a peu d'info sur toi : la photo fait-elle partie de ton activité professionnelle ou est-ce, à la base, simplement une passion ?

Je n'ai pas étudié la photographie mais plutôt l'architecture, puis j'ai abandonné mes études d'architecture pour la photographie mais je ne suis jamais devenu photographe (enfin que très récemment).
Pendant les 20 ans qui ont suivi j'ai fait d'autres métiers mais je n'ai jamais cessé de photographier, de collectionner les livres, les images anonymes, j'ai passé beaucoup de temps sur Ebay.

Comment en es-tu venu à t'auto-publier ? Pourquoi ce choix ? As-tu déjà proposé des projets à des maisons d'éditions déjà installées ?
 
Tout s'est joué en 2009 au début de la crise alors que j'étais graphiste. Une chute brutale de mon activité m'a contraint à du temps libre. J'avais l'idée de faire un livre depuis longtemps mais j'avais toujours repoussé ce moment.
On s'invente toujours un tas de raisons. Ce coup-ci l'alibi du manque de temps ne tenait plus. La question d'un éditeur ne s'est jamais posée, je savais qu'il fallait faire les choses seul, trouver sa propre économie. J'avais envie aussi de comprendre tout le processus de création d'un livre.

Quel a été le déclic pour ton premier projet, Nothing But Home, à savoir prendre des photos du chantier de la rénovation de ta maison ?

Tout s'est passé au même moment, l'achat de cette maison inhabitée depuis 20 ans, la combinaison de ce vieil appareil photo allemand des années 70 avec ce flash, le stress de l'achat au moment où on n'a plus de boulot, le désir d'un livre. Tout s'est mis en place naturellement. Le sujet aussi, il était devant moi : la maison en mutation. Un commencement ou plutôt un recommencement pour cette maison mais aussi pour moi comme photographe. Nothing But Home est vraiment un livre sur le commencement.

Ce qui m'a immédiatement frappé avec ce premier livre en 2009, c'est le soin particulier porté à sa réalisation, en pleine vague de l'auto-édition ton livre sortait du lot : la forme du livre (mise en page, impression, reliure...) a au moins autant d'importance que le fond (les photos elles-même), est-ce que je me trompe ?
 
C'est vrai ! tu as raison. J'ai été très soucieux de la production ( "The medium is the message" !!!), j'ai cherché un bon imprimeur ( j'ai de la chance il n'était qu'à une heure de chez moi ), mais pour la reliure je suis allé jusqu' en Hollande pour trouver le bon atelier. Je voulais être présent à toutes les étapes de la fabrication. C'est pas vraiment compliqué, c'est juste une succession de décisions. Exactement comme en photographie ou en architecture.

Tu collectionnes les livres de photos : selon toi, comment reconnaît-on un bon livre de photo ? Quels sont les signes qui ne trompent pas ? Quel est ton préféré ?

Il faut du temps… il y en a que l'on a envie d'acheter tout de suite…d'autres prennent plus de temps à voir, parfois des années. C'est comme en littérature, on n'apprécie pas forcément Dostoïevski dès que l'on a appris à lire.
Il y en beaucoup que j'adore, Sentimental Journey d'Araki (1971), une des premières auto publications d'Araki. Evidence (1977) de Larry Sultan et Mike Mandel, un bijou de photographie vernaculaire, les livres de Lewis Baltz, mais aussi des publications beaucoup moins connues comme Charlie E. White III Rules The World (1967) par David Williardson, artiste californien qui sans aucun doute connaissait les fameuses publications de Ruscha de l'époque. La très récente publication de Xavier Antin, Just In Time 

Tu as bénéficié d'une très belle reconnaissance critique avec tes 3 premiers livres (Gerry Badger et Alec Soth, pour ne citer que les plus connus), en choisissant un sujet plus "explicit" avec  Strip-o-gram, t'es tu dis : quoi de mieux que le sexe pour passer à la vitesse supérieure ?

Le sexe vu sous cette angle ne me semble pas être un catalyseur. Le sujet était important et il me semblait très peu traité car inaccessible. C'est ça qui m'intéressait ! Utiliser Ebay pour m'introduire dans ces foyers américains et utiliser des images réalisées par les propres participantes au lieu de faire les images soi-même. J'aurai pas pu faire mieux en tant que photographe.

Tu as acheté les photos qui composent Strip-o-gram sur Ebay : collectionnes-tu aussi les photos amateurs ou avais-tu dès le début l'intention d'en faire un livre ?

Ce n'est pas vraiment une collection mais plutôt un matériau. Retravaillé il peut donner des choses intéressantes, explorer d'autres obsessions. Je n'abandonne pas pour autant mon propre appareil.
L'idée du livre est omniprésente quand j'achète des images ou bien que je photographie. L'idée est toujours la même, réunir des images et essayer de produire un nouveau sens.

La photo dite vernaculaire est depuis quelques temps très en vogue, sans parler des captures Google Street View, est tu sensible à cette mode ? As tu été inspiré, par exemple, par les publications d'Archive of Modern Conflict ?

Ce n'est pas vraiment une mode, depuis longtemps (Dada) l'appropriation est un acte revendiqué par les artistes. Par contre l'arrivée d'internet a facilité l'accès à de nouvelles ressources d'images et générer d'incroyables nouvelles bases de données visuelles.
J'adore le travail de Doug Rickard avec Google Street View. Je connais bien les gens d'Archive of Modern Conflict, ils font un travail incroyable.

Avec Strip-o-gram, tu as brisé l'unité des 3 précédents livres, par son sujet mais aussi en changeant le format (passant du relié au souple) et la présentation (les rayures sur la tranche) du livre : ne formeraient-ils pas une sorte de trilogie pavillonnaire ?

C'est vraiment une nouvelle série de livres, bien sûr il va y en avoir d'autres avec d'autres histoires, d'autres systèmes.
Nothing But Home, Desperate Cars et Under House Arrest est une trilogie, les trois séries ont été initiées en même temps. Dès le départ il y avait cette idée de 3 livres distincts, comme un paysage fragmenté, l'ordre n'était pas clair, les titres non plus.

Avec Strip-o-gram tu as aussi élargi ton champ d'investigations : à l'avenir, comptes-tu poursuivre dans cette voie ou est-ce juste une parenthèse avant de reprendre ton "étude du quotidien", entamée avec tes premiers livres  ?

Je ne suis n'est pas très loin de mes premiers travaux car Ebay c'est aussi mon quotidien et ça se passe à la maison...


Sébastien Girard : Strip-o-gram (2012)

2 commentaires:

  1. Très intéressant, un sacré monument ! ça se voit à la base qu'il a étudié l'Architecture , je ne serais pas l'expliquer pour l'oeil peut-être et un je ne sais quoi dans les postures corporelles , bravo et merci de faire passer cette interview .

    GdlR

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  2. PS: l'assise ( posture/architecture) !

    GdlR

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