mercredi 11 mai 2011

Agnès Merlet : Le Fils du Requin (1993)


N'y a pas que Tomboy dans la vie !
Pour la petite histoire, j'ai sûrement vu  Le Fils du Requin dans la même salle que Céline Sciamma puisque, comme moi, elle fréquentait assidûment, à l'époque de la sortie de ce film, l'Utopia de Pontoise.
Voilà encore un film honteusement sous estimé, voire oublié, malgré les bons échos critiques à sa sortie. La réalisatrice n'a d'ailleurs pas bénéficié de l'engouement pour la nouvelle Nouvelle Vague du cinéma français d'alors, avec les Arnaud Desplechin, Laurence Ferreira Barbosa, Cédric Khan and co. Pour preuve, depuis Agnès Merlet n'a réalisé que 2 autres films, Artemisia et Dorothy. Notons qu'elle aura perdu 5 années à tenter de mettre sur pieds un slasher dans le milieu des Beaux Arts, projet qui ne trouvera finalement jamais de financement : " le discours sur la violence était trop nihiliste pour le marché français…" d'après elle, dommage, j'aurais bien aimé voir ça.

Le Fils du Requin est inspiré d'un fait divers rapporté dans Libé le 18 décembre 1987 sous le titre Jimmy et Johan, graine de violence, qui décrivait l'errance de deux enfants dans une bourgade aux alentours de Rouen. A la fois âpre et onirique, le film est marqué du sceau de Lautréamont avec la phrase "si cela avait pu dépendre de ma volonté, j'aurais voulu être plutôt le fils de la femelle du requin ... je ne serais pas si méchant" répétée tout au long comme un refrain par l'un des deux gamins .


Comme tout premier film, Le Fils du Requin n'est pas exempt de défauts comme cette tendance un peu pataude à virer à tout prix au poème social, surlignée par une partition parfois un peu trop sentimentale de Bruno Coulais (Les Choristes, Microcosmos et autres perles!), qui signait ici l'une de ses premières BO. Malgré cela, le film reste aujourd'hui un premier essai bien singulier et mérite vraiment d'être redécouvert.
Avec le recul, aujourd'hui,  une question me turlupine :  est-ce que l'esthétique très ciné bis 80's post-apocalyptique est volontaire de la part de la réalisatrice, étant donné son goût pour le cinéma de genre ?



Malgré son penchant pour le sentimentalisme, la BO de Bruno Coulais est une incontestable réussite, tant elle marque Le Fils du Requin et en est indissociable. L'ouverture du film par ces Harmoniques, enchainées à la fameuse chanson Nathalie Elle est Jolie, reste gravée pour longtemps dans la mémoire du spectateur.
Par ailleurs, vous ne serez pas surpris si je vous dit que ce soundtrack est épuisé depuis belle lurette et qu'il vaut aujourd'hui le prix d'un rein !

mercredi 4 mai 2011

Doug Rickard : A New American Picture



Edité l'automne dernier à 250 exemplaires à l'occasion de la première exposition du Bal, Anonymes, l'Amérique Sans Nom, je n'avais pu mettre la main sur ce livre de Doug Rickard. Heureusement, Le Bal a eu la bonne idée d'en éditer 50 nouveaux exemplaires.

Doug Rickard n'est pas vraiment un inconnu pour les amateurs de photographie qui, sans le savoir, le connaissent déjà  puisqu'il est le fondateur de l'indispensable site American Suburb X.

Pour son premier livre, A New American Picture, il a re-photographié des images tirées de Google Street View. Ses scènes de rues prises à Atlanta, Miami, Camdem, Los Angeles ou Memphis semblent toutes précéder un fait divers imminent, au choix règlements de compte entre bandes, viols, bastons, assassinats... Doug Rickard exacerbe au maximum le sentiment d'insécurité du lecteur tout en dressant un portrait à la violence sourde du rêve américain.

Le titre choisi par l'auteur n'est évidemment pas anodin : en bon connaisseur de l'histoire du livre de photos, Doug Rickard inscrit son A New American Picture dans la droite lignée des classiques que sont American Photographs de Walker Evans, The Americans de Robert Frank, American Surfaces de Stephen Shore ou American Prospects de Joel Sternfeld.

Ce titre a aussi valeur de programme quant à l'évolution de l'art photographique à l'heure où les images, grâce au digital, ne cessent de se multiplier via le net, les caméras de surveillance... Si ce projet d'utiliser des images prises de Google Street View trouvera forcément ses détracteurs, les amateurs de photos les plus avertis noteront, eux, que  le travail de Doug Rickard, notamment sur les couleurs, n'est pas sans rappeler celui de grands photographes américains des 70's comme William Eggleston ou Stephen Shore.

Un classique instantané.

PS : Une édition plus large du livre devrait normalement voir le jour courant 2012.


Doug Rickard : A New American Picture (Schaden White  Press  / Le Bal, 2010)

Related Posts Plugin for WordPress, Blogger...